Depuis plusieurs décennies, la philanthropie et l’aide internationale fonctionnent selon un schéma bien rodé : appels à projets rigides, financements limités dans le temps, lourdeurs administratives, indicateurs implicitement imposés suivant le questionnement rigide des formulaires préétablis. Certes, ces dispositifs ont permis de financer des actions utiles, mais leurs limites sont aujourd’hui flagrantes : la dépendance éternelle des structures locales.
Qui aide qui ? Et qui demande l’aide à qui ?
Les ONG locales passent leur temps à courir derrière des guichets multiples, adaptant leurs projets à des formulaires figés et à des calendriers dictés, dès fois même à des visions et missions extérieures. Résultat : les propositions sont souvent déconnectées des priorités locales, fragilisant les institutions africaines au lieu de les renforcer. Ce modèle produit un paradoxe : il finance des projets, mais empêche l’autonomie des structures qui les portent. Trop de structures fonctionnent dans l’urgence, prisonnières d’une dépendance chronique, incapables d’investir dans une vision de long terme.
Un tournant nécessaire : la philanthropie de confiance et sans restriction
Face à ces impasses, un nouveau paradigme émerge : une philanthropie flexible, fondée sur la confiance, la proximité et l’équité. Ce modèle qui tente d’inverser le centre de gravité : au lieu d’imposer des projets formatés, il commence par des associations recommandées ou connues par un des membres ou encore la confiance se fait avec des formulaires d’informations et des questions aussi rigides et fomentées comme dans les cas classiques. Il élimine aussi des organisations locales sans les connaitre…, sans savoir sur la qualité de leurs membres ni leur vraie histoire. Il oublie que ce sont des hommes qui font la qualité d’une organisation et qu’on peut amener des agents à rendre leur organisation viable pour des actions efficaces qu’on ne le pense…Dans d’autres cas, ce modèle ne prospecte aussi souvent que des structures prêtes à utiliser.
Cela suppose que nous devons questionner la notion de « confiance » dans ce modèle et la cultiver autrement. Sinon, elle ne restera qu’un discours philosophique, si, l’accès à la philanthropie, une aide, doit dépendre d’une recommandation ou d’un réseau proche des fondations ou bailleurs. Or, la confiance ne devrait pas être une barrière d’entrée : elle doit se construire par le temps, l’échange et la co-construction. D’où cette proposition : le partenariat doit précéder le financement. Avant la rédaction des projets pour leur financement, les acteurs doivent se côtoyer, rapprocher et corriger leurs dissonances, partager leurs visions et bâtir une confiance mutuelle et durable. Elle se cultive. Elle n’est pas un produit solide à prendre ou à patronner.
Innover dans les mécanismes financiers
Changer de philosophie implique aussi de repenser les instruments. Nous proposons des mécanismes de financements additifs et soustractifs :
Additifs : consacrer dès le début du partenariat une part des financements à des activités génératrices de revenus, dont les bénéfices serviront à reprendre localement les actions une fois le partenariat terminé (n’oublions pas que tous les financements que la philanthropie draine sont produits par des entités économiques);
Soustractifs : réinvestir ces bénéfices et réduire progressivement la part de financement externe, jusqu’à atteindre l’autonomie financière, institutionnelle et décisionnelle des structures locales (sans une autonomie décisionnelle, les structures locales resteront toujours dépendantes des centres de décisions. Et sans une autonomie financière, celle décisionnelle ne sera qu’une utopie).
Ainsi, la philanthropie ne sera plus une perfusion temporaire, mais un tremplin vers la viabilité économique des structures locales.
Collecter autrement : autour des programmes, pas des appels
Autre levier essentiel : la collecte de fonds. Il est temps de passer de projets éphémères, souvent imposés par des appels, à des programmes de long terme centrés sur l’autonomie totale des structures locales. Ces programmes deviennent des espaces ouverts dans lesquels plusieurs bailleurs et fondations peuvent entrer et contribuer, selon une vision globale et partagée. L’impact devient ainsi consolidé, durable et adapté aux communautés.
Le pacte de demain : investir dans l’autonomie locale
L’enjeu est clair : la philanthropie internationale et africaine doit oser investir non pas seulement dans des impacts immédiats, mais dans l’autonomie structurelle, culturelle, technique, financière et décisionnelle des communautés et des ONG locales.
En d’autres termes :
- Financer des projets, c’est bien ;
- Construire des partenariats de confiance, c’est mieux ;
- Mais investir dans l’autonomie des structures locales, sans restriction et dans une vision de long terme, c’est la véritable innovation.
La philanthropie de demain ne se mesurera pas au nombre de projets financés, mais à la capacité des organisations locales à continuer à agir, aussi longtemps que possible avec leurs communautés ; après la fin des financements. Qu’en pensez-vous ? »
Redaction: ETCHRI Sassou k. Busomekpo


